Publisher's Synopsis
À tous ceux qui s'intéressent aux choses littéraires l'époque actuelle offre un vaste champ d'observations, aussi bien à l'étranger qu'en France. Notre siècle a vécu trop vite; les inventions de la science, les modifications apportées à la vie journalière se sont succédé trop rapidement pour que nos contemporains aient pu digérer suffisamment ces nouveautés, sans cesse renouvelées; et bien des cerveaux inquiets ont rêvé de bouleverser le domaine de l'intelligence comme on bouleversait sous leurs yeux le domaine de la science. C'est ainsi qu'en France on est arrivé du premier coup à une exagération ridicule. Pressés d'abandonner cette belle langue simple et claire qui faisait une des beautés de notre littérature nationale en sachant prêter aux idées la forme que chacune d'elles réclamait, les jeunes ont voulu innover; et avec l'étiquette de symbolistes, de décadents, d'égotistes, etc., ils se sont rangés sous des bannières différentes qui toutes ne devraient porter en exergue que ce mot inscrit en lettres majuscules: mystificateurs. En Angleterre, ce mouvement intellectuel, pour avoir été plus lent et plus sensible, n'en existe pas moins. La littérature anglaise se traînait depuis bien longtemps dans une routine inquiétante, lorsque quelques écrivains se sont mis en passe de reconquérir leur indépendance. En dehors du souffle qui passait sur toutes les nations civilisées, les Anglais avaient d'autres raisons de voir leur littérature se transformer. Sans parler de l'Amérique, les colonies des Indes, du Cap, de l'Australie ont pris une autonomie assez grande pour savoir tenir leur place au point de vue intellectuel aussi bien qu'au point de vue financier; et les fils de la brumeuse Albion, transportés dans ces pays du soleil, ont déjà fait souche de jeunes citoyens aux idées souvent bien différentes de celles de leurs pères. Mais le développement d'un pareil sujet nous entraînerait bien trop loin et nous voulons simplement présenter aux lecteurs un des auteurs anglais les plus en vogue en ce moment. La forme qu'il a adoptée, les sujets qu'il traite ne se conforment en rien au vieux moule dans lequel, il y a peu d'années encore, se coulaient tous les romans classiques; et rien ne peut mieux prouver combien ce besoin d'un renouveau intellectuel se faisait sentir, que l'immense succès conquis par ses oeuvres. À trente ans, le docteur Conan Doyle jouissait d'une telle réputation que les Américains, qui aiment à contempler de près les célébrités contemporaines, lui firent un pont d'or pour venir donner en Amérique une série de conférences sur la littérature anglaise et en particulier sur son oeuvre. Cette oeuvre peut se diviser en deux branches principales: l'une, se rattachant au genre historique, dénote chez son auteur une profonde érudition et de patientes recherches; c'est ainsi qu'avant de publier The White Company, récit militaire qui se passe moitié en Angleterre et moitié en France ou en Espagne, sous le règne d'Edouard III, il consacra deux années entières à l'étude du XIVe siècle. Naturellement, c'est cette partie de son oeuvre que l'auteur préfère, de même qu'une mère éprouve une prédilection particulière pour l'enfant qu'elle a eu le plus de peine à élever. L'autre genre, que le docteur Conan Doyle cultivait avec un égal succès, est complètement différent: c'est celui dont nous comptons offrir un échantillon, convaincu qu'il intéressera les lecteurs français comme il a passionné les lecteurs d'Angleterre, c'est le genre sensationnel des romans à la Gaboriau; mais dût notre orgueil national en souffrir, alors que Gaboriau sait extraire de son cerveau inventif les complications les plus extraordinaires, le style, l'écriture, pour employer un mot du métier, reste souvent bien inférieur. Doyle, au contraire, parle une langue sobre, ferme, souvent élégante, et se montre toujours écrivain de premier ordre.