Publisher's Synopsis
ALGRÉ un usage depuis longtemps établi, nous avions passé un été enfermés dans les murs d'une grande ville; mais le moment de la liberté arriva, et les oiseaux n'ont pas plus de plaisir à quitter leur cage que nous en eûmes à commander des chevaux de poste. Nous étions quatre dans une légère calèche de voyage, que de vigoureux chevaux normands transportaient gaiement vers leur province natale. Nous quittions Paris pour quelque temps, la reine des cités modernes, avec son tumulte et son ordre, ses palais et ses rues étroites, son élégance et sa saleté, ses habitants toujours en mouvement et ses politiques stationnaires, ses théories en contradiction avec sa pratique, sa richesse et sa pauvreté, sa gaieté et sa tristesse, ses rentiers et ses patriotes, ses jeunes libéraux et ses vieux ultras, ses trois états et son égalité, sa délicatesse de langage et son énergie de conduite, son gouvernement du peuple et son peuple ingouvernable, ses baïonnettes et sa force morale, sa science et son ignorance, ses plaisirs et ses révolutions, sa résistance qui recule et son mouvement qui s'arrête, ses marchandes de modes, ses philosophes, ses danseurs d'Opéra, ses poëtes, ses joueurs de violon, ses banquiers et ses cuisiniers. Bien que confinés depuis longtemps en-deçà des arrières, il ne nous était pas facile de quitter Paris tout à fait sans regrets: Paris, que tout étranger critique, et que tout étranger recherche, que les moralistes abhorrent et qu'ils imitent, qui fait secouer la tête des vieillards et battre le coeur des jeunes gens; Paris, le centre d'excellentes choses et de choses qu'on ne peut nommer ! Cette nuit-là nous reposâmes notre tête sur de rustiques oreillers, loin de la capitale de la France. Le jour suivant nous respirâmes la brise de mer. Traversant l'Artois et la Flandre française, dans la matinée du quatrième jour nous entrâmes dans le nouveau royaume de Belgique par les villes historiques et vénérables de Douai, Tournai et Ath. À chaque pas nous rencontrions le drapeau qui flotte sur le pavillon des Tuileries, et nous reconnaissions l'air confiant et la démarche aisée des soldats français. Ils avaient été envoyés pour soutenir le trône chancelant de la maison de Saxe, et ils nous semblaient aussi à leur aise que lorsqu'ils se promenaient oisivement sur le quai d'Orsay.